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L"Europe

LES CHRÉTIENS DU MOYEN AGE : DIEU ET LES ANGES, MAITRES DE L’UNIVERS (XII-XVème siècles)

L’Europe chrétienne connaît, à partir du XIIème siècle, un renouveau astronomique : d’abord par une intense activité de traduction, notamment en Espagne, où les musulmans, les juifs et les chrétiens échangent leurs connaissances : on y découvre la culture grecque ; on y étudie les traités d’Aristote, de Ptolémée et des auteurs arabes. De leur côté, les hommes des Croisades contribuent à cet échange culturel. Enfin, la naissance des universités est décisive pour l’épanouissement de cette nouvelle culture. 

 

Première nouveauté : de nombreux ouvrages d’astronomie vont alors se répandre en Europe au XIIIème siècle. Au XIVème siècle, avec l’invention de l’imprimerie, est imprimé le premier traité d’astronomie : Le Traité de la sphère, de Jean de Sacrobosco (écrit au 13e siècle) et il sera encore étudié dans les universités au XVIIème siècle ! Il ne s’agit pourtant que d’un ouvrage rudimentaire...

 

Seconde innovation : le développement des tables astronomiques, rédigées en langue arabe et traduites en latin - celles de Tolède, notamment, appelées Tables Alphonsines, qui connaîtront une très large diffusion et auront une longue descendance  : de nouvelles tables seront ainsi créées, toutes adaptées au calendrier chrétien. A partir du XIVème siècle, se répandent dans les milieux astronomiques parisiens des tables beaucoup plus ambitieuses, établies indépendamment d’un calendrier particulier. Leur succès est tel qu’à partir du XIVème siècle, celles-ci et leurs adaptations éclipsent toutes les autres.

 

Troisième innovation : le perfectionnement des instruments astronomiques comme l’astrolabe et les quadrants qui permettaient de mesurer les angles. 

 

En outre, la chute définitive de l’empire byzantin, en 1453 - date de la fin du Moyen Age en occident - amène en Italie d’éminents érudits, possédant de précieux ouvrages d’astronomie, dont l’Almageste. 

 

Tout cela conduit deux savants du XVème siècle - Georg Peurbach et son élève Regiomontanus - à composer et publier les Théories nouvelles : on y découvre que l’orbite de Mercure ressemble à un ovale et on pense que les astres sont entraînés par un ensemble d’orbes d’épaisseur variable et dont chacun remplit les sphères célestes (dont l’existence n’est pas encore remise en question).

 

 Mais ces orbes continuent à poser problème : quels sont-ils exactement ? On est contraint d’ajouter une neuvième sphère aux huit de la tradition grecque pour expliquer que le mouvement des constellations ne coïncide pas avec celui de la sphère des étoiles fixes... Certains ajoutent même au-delà de la voûte céleste un autre ciel immobile appelé l’Empyrée : là est localisé le paradis de l’au-delà, où résident les anges et les saints. On pense que le cosmos est tout entier animé d’un mouvement perpétuel, qui doit avoir une cause : les esprits angéliques font tourner les sphères ; au sommet du ciel réside Dieu lui-même qui, sans cesse, soutient sa Création, au centre de laquelle se trouve la Terre.

 

Enfin, on s’appliquera à inventer, à la fin du XVIème siècle, un meilleur calendrier que le précédent (établi par Jules César) : il sera appelé calendrier grégorien afin de se mettre en rapport avec le mouvement réel du soleil et de pouvoir célébrer, par exemple, la fête de Pâques au bon moment.

L’ASTRONOMIE MODERNE OCCIDENTALE (XVIème-XXème siècle) : DE L’HELIOCENTRISME A LA PHYSIQUE DES ASTRES

 

COPERNIC, KEPLER ET GALILEE : LA REVOLUTION DE L’HELIOCENTRISME  (XVIème et XVIIème siècles)

1 - Les intuitions problématiques de Copernic

 

 

 Un chanoine polonais du nom de Nicolas Copernic (1473-1543) écrit un ouvrage en latin qui marque un tournant décisif dans l’histoire de l’astronomie : Des révolutions des orbes célestes. Il est publié en 1543, juste avant la mort de Copernic. Pour la première fois, l’auteur expose un modèle du monde où les planètes tournent autour du soleil et où, en outre, la Terre tourne sur elle-même, pour expliquer la succession des jours et des nuits.

 

Curieusement, Copernic a très peu observé le ciel au cours de sa vie. Il a repris beaucoup de théories des Anciens et de Ptolémée. Il garde l’idée grecque selon laquelle ce sont des sphères solides qui emportent les planètes autour du soleil fixe. La sphère des étoiles fixes, immobile, limite l’univers. Comme pour les Anciens, le mouvement des corps célestes doit être circulaire et uniforme. Mais il supprime les grands épicycles de Ptolémée, ce qui le conduit à émettre l’hypothèse de l’héliocentrisme, qui permet de mieux expliquer les mouvements célestes.

 

Cependant, au total, son système est beaucoup plus compliqué et moins ingénieux que celui de Ptolémée : en fait, l’héliocentrisme n’est présent dans ce système que comme une hypothèse commode. Il faut, au sujet de l’héliocentrisme de Copernic, parler d’intuitions et de calculs prédictifs plutôt que d’une véritable démarche scientifique. Il reste qu’il pose les premiers jalons de cette démarche. 

 

Du reste, peu d’astronomes le suivront. L’un des premiers à adhérer à l’intuition copernicienne de l’héliocentrisme est Giordano  Bruno, condamné par l’Inquisition et brûlé vif à Rome, le 17 février 1600. Bruno aura défendu une conception très personnelle de l’héliocentrisme, liée à sa représentation de la puissance de Dieu : un univers infini peuplé de mondes innombrables, chaque étoile étant un soleil autour duquel tournent des planètes.

 

Et pourtant, les idées coperniciennes vont commencer à se diffuser, d’une manière indirecte et lente. Reinhold, par exemple, va s’efforcer de combler les lacunes du système copernicien en inventant de nouvelles tables - les tables pruténiques, sortes d’éphémérides faisant des prédictions pour un certain nombre d’années - qui vont remplacer les anciennes. On va ainsi se familiariser avec le calcul copernicien.

 

La découverte de l’héliocentrisme entraîne deux conséquences importantes :

 

1) D’une part, les étoiles doivent être beaucoup plus éloignées qu’on ne l’imaginait jusqu’alors ;

 

2) D’autre part, la différence entre le monde terrestre et le monde céleste tend à s’effacer : en effet, la distinction traditionnelle entre le monde sublunaire et le monde supralunaire est remise en cause. Il faut alors se demander : qui donc met en mouvement la Terre, dont la masse est considérable ? Comment le Soleil peut-il se trouver au milieu de corps lourds, s’il est lui-même un corps léger et éthéré ? Toutes les bases de la physique sont ébranlées. Tout ce qu’affirme la Bible au sujet des relations Terre/Soleil doit être remis en question. 

 

 

Le grand adversaire de Copernic sera Tycho Brahé, astronome danois, dernier défenseur du géocentrisme mais génial précurseur de l’astronomie moderne :

 

- Il montre les faiblesses du système copernicien ;

 

- De plus, il se livre à d’intéressantes observations du ciel et abandonne les tables astronomiques alors en usage. Malgré sa défense erronée du géocentrisme, ses observations porteront un coup sévère à la physique d’Aristote : il observe une étoile nouvelle, ainsi que des comètes, dans la sphère supralunaire, ce qui va contre la théorie d’Aristote concernant le caractère incorruptible de cette partie de l’univers et met fin à la thèse des sphères solides.

 

- Par ailleurs, et bien qu’il observe encore à l’oeil nu, il perfectionne de nombreux instruments d’observation et augmente considérablement leur précision. Il construit le premier observatoire des temps modernes.

 

- Pour finir, il écrit un ouvrage Les Phénomènes les plus récents du monde éthéréoù il rejette à la fois le géocentrisme de Ptolémée et l’héliocentrisme de Copernic. Il adopte quant à lui un système intermédiaire entre les deux. Malgré ses erreurs, cet astronome aura permis, par la masse considérable de ses observations, le jaillissement de découvertes ultérieures fondamentales.  

 

 

2 - Les grands calculs et les trois lois de Kepler 

 

 

Le grand astronome qui va compléter et perfectionner le système de Copernic est l’allemand Johannes Kepler (1571-1630) : c’est un disciple de Tycho Brahé. Il réussit à établir les lois qui régissent le mouvement des planètes autour du Soleil. Il adopte donc définitivement la thèse de l’héliocentrisme.

 

C’est en étudiant plus particulièrement le mouvement de la planète Mars qu’il en arrive à se poser les bonnes questions, dont celle-ci, fondamentale : quelle courbe cette planète décrit-elle ?

 

Après avoir imaginé et rejeté l’hypothèse du cercle défendue par Copernic, il aboutit, au terme d’années de recherche, à l’hypothèse de l’ellipse, dont le génial Ptolémée n’était pas très loin (cf. le point équant). Il pense en effet que Mars n’est pas seulement attirée par le Soleil mais qu’elle subit l’action d’une autre force, ce qui empêche son orbite d’être circulaire. Telle est la 1ère loi qu’il établit.

La 2nde loi dit que la vitesse orbitale de la planète varie : lorsqu’elle se trouve loin du soleil, elle chemine plus lentement ; lorsqu’elle s’en rapproche, elle avance plus vite.

 

Sa 3ème loi est la suivante : Si Mars avance plus vite que d’autres, c’est parce qu’elle est plus proche du Soleil dont elle subit davantage l’attraction.

 

Ces trois lois, il les étend ensuite à toutes les planètes, y compris à la lune et aux satellites de Jupiter, découverts par Galilée. (Il supprime donc tous les épicycles de l’astronomie antique.) Il fait une vaste synthèse de toute l’astronomie dans un ouvrage essentiel : Epitomé de l’astronomie copernicienne. Enfin, il fait paraître les « Tables Rudolphines », extrêmement précises puisqu’elles bénéficient de la découverte récente des logarithmes et qu’elles mettent en ordre les observations de Tycho Brahé.

 

Kepler a donc fait faire un bond en avant considérable à l’histoire de l’astronomie : grâce à ses calculs, l’être humain est désormais capable d’arpenter le système solaire et donc de déterminer des distances considérables. L’astronomie est entrée dans l’ère du calcul.

En revanche, Kepler n’explique pas quelle est la nature de cette force exercée par le Soleil. Sa réponse, en effet, reste poétique et non scientifique : il existe, selon lui, une harmonie musicale dans le ciel, chaque planète émettant une note fondamentale selon sa distance au soleil. Mais comme cette distance varie à tout moment, cette note fondamentale est accompagnée d’accords harmoniques. C’est naturellement Dieu qui dirige cette musique céleste, que nos oreilles sont incapables d’entendre.

 

            3 - La lunette de Galilée ou l’observation scientifique 

 

C’est une véritable révolution qu’instaure le physicien italien Galilée (1564-1642)en étudiant, construisant et utilisant, sans doute pour la première fois de l’Histoire, la lunette d’observation, instrument dont il avait entendu parler : il s’agit d’un tube cylindrique de métal muni de lentilles en cristal qui grossissent les objets observés.

 

Avec lui, tout phénomène est observé, étudié, décrit et justifié. Galilée impose à l’étude de la nature la rigueur et la précision des mathématiques. A la même époque, le philosophe français René Descartes pose la méthode mathématique  comme fondement de la recherche scientifique et de la philosophie elle-même. 

 

Résolument copernicien, Galilée fait des découvertes (liées à ses observations novatrices et publiées dans Le Messager céleste en 1610) qui provoquent immédiatement de vertes critiques. C’est pourquoi il demande à Kepler son appui, qui le lui accorde immédiatement.

 

 

Qu’a découvert Galilée à travers sa lunette ?

 

- D’abord, quelque chose de stupéfiant : quatre gros satellites tournant autour de Jupiter, preuve que la Terre n’est pas le centre de toutes les révolutions célestes...

 

- Ensuite, Vénus présente des phases analogues à celles de la Lune. Cela contredit le système de Ptolémée qui affirmait que la planète devait toujours garder une forme de croissant. Or, le cycle complet de phase observé par Galilée prouve que Vénus tourne autour du Soleil.

 

- Puis, il observe sur la Lune, qui, toujours d’après Ptolémée, devait être parfaite, des montagnes, des vallées et des cratères ; bref : des imperfections.

 

- Quant à la Voie Lactée, au lieu d’être une exhalaison de l’atmosphère comme le pensaient jusque là les astronomes, elle se révèle constituée d’une multitude d’étoiles invisibles à l’oeil nu.

 

- Plus tard, en l’observant par projection, il découvre à la surface du Soleil des taches et mesure leur période de rotation. La découverte est de taille : le Soleil tourne lui aussi sur son axe.

 

 

En dehors de ces découvertes liées à l’observation, Galilée, en tant que physicien, fera d’autres découvertes fondamentales, comme celles-ci :

 

- Il prouve que si on laisse tomber un corps le long d’un plan incliné, sa vitesse augmente à mesure qu’il tombe. Il établit ainsi la loi de la chute des corps qui relie l’espace et le temps : les distances parcourues par l’objet sont proportionnelles au carré des temps mis à les parcourir.

 

- Il découvre le principe d’inertie, suivant lequel tout corps qui n’est soumis à aucune force est soit au repos, soit animé d’un mouvement rectiligne uniforme. Ce principe explique le mouvement perpétuel de la Terre autour du Soleil. 

 

Toute la physique aristotélicienne, vieille de 2000 ans, et sur laquelle la vision chrétienne de l’univers s’était greffée et consolidée, vient de s’effondrer.

 

La réaction est  inévitable, l’affaire Galilée éclate au grand jour : le savant réussit non sans peine à publier son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde(1632), véritable machine de guerre contre l’héritage aristotélicien, en outre publiée non en latin (la langue savante) mais en italien. Mais après d’interminables péripéties qui laisseront l’astronome épuisé et découragé, le tribunal de l’Inquisition, qui a déjà déclaré hérétique la théorie de Copernic, interdit son ouvrage et le condamne à la réclusion perpétuelle ; malgré les multiples efforts qu’il avait fournis, des années auparavant, pour expliquer que sa théorie ne contredisait pas la Bible si elle était interprétée correctement, Galilée doit finalement abjurer à genoux ses « erreurs », le 22 juin 1633.

 

Mais Galilée aura sa revanche : deux ans plus tard, son Dialogue sera traduit en latin et diffusé dans toute l’Europe. Galilée va alors rédiger son chef-d’œuvre : LeDiscours concernant deux sciences nouvelles, publié en 1638.

 

Avec le triomphe de l’héliocentrisme, une ère nouvelle peut commencer :

 

- D’autres découvertes auront lieu par la suite avec Pierre Gassendi, et ses études sur la planète Mercure ; avec Jeremiah Horrocks, qui améliore les prévisions de position des planètes et étudie le transit de Vénus.

 

- Par ailleurs, les instruments d’observation se multiplient et s’améliorent. On crée de nombreux observatoires, non seulement pour poursuivre les recherches sur le ciel, mais aussi sur la planète Terre, afin de mettre en place des méridiens de référence - problème essentiel pour les navigateurs de l’époque. Louis XIV joue un rôle déterminant dans le développement de l’astronomie en France et fonde l’observatoire de Paris.

 

- Enfin naît une véritable profession d’astronome, bientôt payée par la communauté et parée de noms illustres, dont on retiendra surtout ceux de Jean-Dominique Cassini et de Johannes Hevel, dit Hévélius. Les découvertes liées à l’observation du ciel ne cessent de se multiplier. On est maintenant en mesure d’évaluer les dimensions du système solaire. Cassini estime la distance de la Terre au Soleil de 140 millions de kilomètres, ce qui constitue un bel exploit car la distance moyenne de notre planète à son étoile est de 150 millions de kilomètres !

NEWTON ET SES SUCCESSEURS : LA LOI DE LA GRAVITATION UNIVERSELLE (XVII-XVIIIème et XIXème siècle)

La mort de Galilée coïncide exactement avec la naissance d’Isaac Newton (1642-1727), astronome anglais, qui laissera une empreinte profonde dans l’histoire de la pensée scientifique. Comme tous les savants de son époque, il s’intéresse à tous les domaines du savoir : la physique, les mathématiques, l’optique, l’astronomie, l’économie, la religion, l’histoire et même l’alchimie !...  

Sa grande découverte est la loi de la gravitation universelle. L’idée remonte à Platon mais elle n’est prise en considération qu’avec la découverte de l’héliocentrisme.

 

La légende dit que c’est en voyant tomber une pomme d’un arbre que Newton aurait eu la première intuition de sa découverte. La réalité est plus complexe. Et sans doute la 3e loi de Kepler concernant l’attraction des planètes par le Soleil lui a-t-elle permis d’élaborer sa théorie sur la gravitation universelle : deux corps placés à une certaine distance exercent l’un sur l’autre une force d’attraction proportionnelle à leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Cette découverte est publiée dans l’ouvrage en latin paru en 1687 : Les Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Cette loi explique la chute des corps lourds sur la surface de la Terre qui exerce sa force d’attraction, ainsi que le mouvement des planètes autour du Soleil et celui des satellites autour des planètes.

 

De plus, il s’agit d’une loi universelle, c’est-à-dire toujours valable, quels que soient le lieu et le moment où deux ou plusieurs corps se rencontrent. Cette loi régit le fonctionnement de tout ce qui est grand dans le ciel comme de tout ce qui est petit, dans la chimie ou dans la vie quotidienne. Tout le monde matériel est donc un enchevêtrement de forces. Ces forces expliquent la trajectoire des forces en mouvement, leur accélération et leur vitesse. Quand on examine l’orbite d’une planète (la courbe qu’elle décrit), on découvre l’action de deux forces : la force de gravité qui attire la planète vers le Soleil et la force de gravité, moins puissante, qui attire le Soleil vers la planète. C’est la combinaison de ces deux forces qui déplace la planète suivant la ligne de son orbite. La mécanique céleste a donc, avec Newton, conquis ses lettres de noblesse.

 

Dans ces conditions, si on connaît la longueur de la trajectoire d’une planète autour du Soleil, on peut déterminer la force d’attraction qu’il exerce sur elle et on pourra aussi calculer la masse de la planète en question. Toute trajectoire suppose une force de gravitation, donc une masse.

 

Quant aux irrégularités de mouvement des planètes et des comètes, elles s’expliquent par l’intervention de forces de gravitation secondaires. Par exemple, même si l’attraction de la Lune est trop faible pour pouvoir perturber le mouvement de la Terre autour du Soleil, elle réussit tout de même à provoquer les marées. De même, si l’attraction exercée par le Soleil est de loin la plus forte du système solaire, celle exercée par les planètes provoque de légères perturbations. 

 

C’est ainsi qu’on a pu approfondir l’observation du système solaire en découvrant des planètes inconnues jusqu’alors, responsables de ces phénomènes : William Herschel repère Uranus et ses satellites, ainsi que ceux de Saturne, avec l’aide de deux autres astronomes : Christiaan Huygens et Jean-Dominique Cassini, entre 1781 et 1789. (La découverte d’autres satellites de Saturne se fera aux XIXème et au XXème siècle, où l’on bénéficiera des voyages spatiaux) Neptune sera découverte d’une manière théorique au même moment par deux astronomes différents qui étudient séparément le comportement de Saturne et remarquent ses irrégularités :John Adams, de 1841 à 1846, et Urbain Le Verrier. Personne ne les prendra au sérieux, jusqu'à ce que John Galle observe enfin cette nouvelle planète dans le ciel, le 23 décembre 1846, à l’Observatoire de Berlin. Ainsi triomphe la théorie de Newton. Pluton sera découverte de la même manière, mais beaucoup plus tard, au XXème siècle, à cause des perturbations des orbites d’Uranus et de Neptune. (Pour cette planète, il y aura plus d’écarts entre la théorie et la réalité observée.)

*

Une découverte de taille validera la théorie de Newton : il s’agit du calcul par l’astronome britannique Edmond Halley de l’orbite de la comète qui porte son nom. Il a établi en 1705 que les comètes décrivent autour du Soleil des orbites elliptiques très allongées. Il prévoit que la comète qu’il a observée en 1682 reviendra fin 1758-début 1759 et sa prédiction se révèle juste.  

 

A l’actif de Newton, il faut encore signaler la réalisation du premier télescope, présenté en 1672. La lunette de Galilée était bien entendu encore imparfaite et rudimentaire. Ce sont les Anglais qui lui ont apporté deux améliorations décisives : le cristal à base de plomb qui rend la vision parfaite et l’utilisation de miroirs paraboliques à la place des lentilles - ce sera la naissance du télescope.

 

 

L’exploration du système solaire va ainsi pouvoir devenir de plus en plus précise :

- Après les planètes, Giuseppe Piazzi et Heinrich Olbers découvriront le premier astéroïde, Cérès, en 1801-1802.

- Edmond Halley, quant à lui, découvre en 1718 le mouvement propre des étoiles, ce qui met fin au dogme de la sphère des étoiles fixes.

- Charles Messier dresse un catalogue des nébuleuses et indique leur position par rapport aux étoiles voisines. 

Les trois principaux successeurs de Newton seront :

 

a - Joseph-Louis Lagrange (1736-1813), le plus important, qui applique à la mécanique céleste une méthode purement algébrique et l’expose dans sa Mécanique analytique ;

 

b - Pierre-Simon de Laplace (1749-1827), qui, dans son Exposition du système du monde (1796),  émet une célèbre hypothèse : le système solaire serait issu d’un nuage de gaz et de poussières interstellaires - ce qu’on appelle une nébuleuse - qui tournait lentement sur lui-même autour d’un axe passant par le centre, lui-même formé d’un noyau dense et de température élevée ; le refroidissement des couches extérieures joint à la rotation de l’ensemble aurait engendré des anneaux successifs d’où proviendraient les planètes et les satellites, tandis que le noyau aurait formé le soleil. En outre, Laplace réunit dans sa Mécanique céleste (1798-1825) tous les travaux de Newton et des savants de l’époque concernant les conséquences du principe de la gravitation universelle ;

 

c - William Herschel (1738-1822) qui s’intéresse au déplacement du système solaire, entreprend une étude systématique de la répartition des étoiles, découvre  le rayonnement infra-rouge et établit l’existence des systèmes binaires. 

 

Ajoutons ceci : pour la première fois dans l’histoire de la science, Isaac Newton aura délaissé les causes profondes des phénomènes pour s’intéresser exclusivement aux lois qui les régissent : il remplace la question « pourquoi ? » par la question « comment ? ».  

 

 

De leur côté, les philosophes du XVIIème siècle, à la suite de René Descartes, ont suivi un cheminement semblable à ceux de Galilée et de Newton pour l’appliquer à leur discipline et à leur propre approche de l’univers : Baruch Spinoza (très intéressé par les oeuvres de Descartes et de Galilée) et Wilhelm Leibniz (qui a lu Descartes, Galilée et Newton) ont déjà définitivement dégagé la philosophie de l’emprise de la théologie (l’étude de Dieu), s’en remettant, chacun à sa manière, aux lumières de la raison. Tous les deux ont proposé une vision nouvelle de l’univers, plutôt matérialiste pour Spinoza, plutôt idéaliste pour Leibniz.

 

Au XVIIIème siècle, le philosophe Emmanuel Kant franchit un pas de plus en cessant, comme Newton, de poser la question « pourquoi ? » et en préférant se demander « comment ? » : il pense que notre raison dispose de certaines facultés qui déterminent toutes nos expériences sensibles : le temps et l’espace, qui n’existent pas en dehors de nous mais qui sont des éléments constitutifs de l’intelligence humaine. Tout ce que nous pouvons connaître s’inscrit, pour notre conscience, dans l’espace et le temps et nous portons en nous la loi de cause à effet. Nous ne pouvons donc rien connaître du monde en soi, indépendamment de notre façon de l’appréhender. C’est comme si notre faculté de comprendre était limitée par des « lunettes » : l’espace et le temps.

 

C’est ce même Emmanuel Kant qui imaginera de multiples univers-îles composant l’Univers, prémonition de la multiplicité des galaxies, découvertes bien ultérieurement. 

 

Cependant, la théorie de Newton sera détrônée à cause d’un petit problème de mécanique céleste : d’infimes perturbations se produisent dans l’orbite de Mercure et la théorie de la gravitation universelle ne réussit pas à les expliquer. C’est Einstein, au XXème siècle, qui viendra à bout de ce problème en réinterprétant la gravitation...

Une nouvelle révolution se produit dans les années 1840 : les astronomes vont devenir des astrophysiciens en analysant la nature des astres ; dans ce monde que l’on pensait sans surprise, ils vont découvrir des comportements plus étranges les uns que les autres

 

 

1 - Des méthodes révolutionnaires

 

Quatre grandes innovations vont révolutionner l’étude de l’Univers. Toutes ont un point commun : l’étude de la lumière. Grâce à ces quatre procédés, l’astrophysique est née. 

 

a - La photographie :  

 

Grâce à son invention, on cherche à établir une gigantesque carte du ciel ; plus de vingt instituts du monde entier s’engagent dans ce projet qui ne sera jamais totalement achevé. Mais les clichés serviront pendant des dizaines d’années de base aux catalogues de position des étoiles et constellations. La Lune sera photographiée pour la première fois en 1896. L’un des pionniers de l’astrophotographie sera John Herschel, fils de l’astronome William Herschel. 

 

b - De nouveaux télescopes :  

 

En 1845, sir William Parsons construit le plus grand télescope à miroir métallique de tous les temps : 1,83 m de diamètre. La limite est atteinte, la technologie doit donc changer. En 1857, Léon Foucault et Karl Steinbell réalisent le premier télescope à miroir de verre argenté. L’ère des grands télescopes est arrivée. Le grand constructeur de l’époque s’appelle George Hale. Il convainc plusieurs riches industriels et hommes d’affaires américains de financer l’équipement de grands observatoires aux Etats-Unis. (C’est grâce à l’un des ses télescopes qu’Edwin Hubble découvrira les galaxies.)

 

Commence aussi l’étude de la physique solaire, avec l’observation, notamment, de la couronne du Soleil.

 

Les grands télescopes permettent aussi d’étudier les détails de la surface des corps célestes, de Mars, surtout. Certains y voient des canaux artificiels - d’où le mythe grandissant des Martiens ! 

 

 

c - La spectroscopie :  

 

Poursuivant les travaux de Newton sur la décomposition de la lumière blanche en ses différentes couleurs, Joseph von Fraunhofer remarque, sans pouvoir l’expliquer, une multitude de raies sombres dans le spectre qu’il a obtenu en décomposant la lumière du Soleil, grâce aux spectroscopes qu’il a lui-même inventés. Gustav Kirchhoff et Robert Bunsen vont inventer l’analyse spectrale en 1859 : pour eux, les raies sombres indiquent la présence d’un élément chimique donné dans une étoile. En 1864, William Huggins découvre cette fois des raies brillantes dans le spectre de certaines nébuleuses.

 

En 1868, on repère une raie qui ne correspond à aucune de celles qui ont été recensées en laboratoire : on baptise cet élément chimique nouveau, inconnu sur la Terre, « hélium », du grec Hélios, nom du dieu du Soleil. En fait, cet élément existe bien dans l’atmosphère terrestre ; il sera détecté en 1895.

 

La spectroscopie - grâce à l’effet découvert, en 1842, par Christian Doppler - va permettre aussi à Huggins de mesurer la vitesse relative d’une étoile par rapport à la Terre.

 

Cette découverte fondamentale sera exploitée par les astronomes du XXème siècle pour échaffauder la théorie du big bang : lorsqu’ils observeront en effet, sur le spectre d’une galaxie, un décalage vers le rouge, ils pourront en conclure que cette galaxie s’éloigne de nous à grande vitesse. L’effet Dopler jouera aussi un rôle dans l’étude des étoiles binaires. 

 

 

d - La photométrie :  

 

Toujours en 1859, le physicien Johann Zöllner réussit à mesurer avec précision l’éclat d’une étoile : grâce à un photomètre, il mesure son éclat apparent puis il détermine la distance de cette étoile par rapport à la Terre (entre-temps, les mesures des distances stellaires ont elles aussi énormément progressé) ; il parvient ensuite à remonter à sa luminosité absolue car celle-ci est proportionnelle à la luminosité apparente et au carré de la distance qui nous sépare de l’astre.

 

Par la suite, Friedrich Stuve et Friedrich Bessel mesurent respectivement la parallaxe (= angle sous lequel on voit se déplacer une étoile par rapport aux astres plus éloignés lors d’observations menées à 60 mois de différence) de Vega et de 61 Cygni, l’une des étoiles les plus proches du Soleil.

 

C’est alors qu’on commence à mesurer les distances en les transformant en durées de trajet de la lumière. Le premier catalogue photométrique des étoiles est établi par Zöllner en 1861.

 

 

2 - La science de l’électromagnétisme

 

 

En 1873, le physicien anglais James Maxwell (1831-1879) fonde l’électromagnétisme, réussissant ainsi à faire la synthèse entre trois domaines de la physique jusque là séparés : l’électricité, le magnétisme et l’optique. La lumière devient un phénomène électromagnétique comme les autres : elle est le résultat de la propagation dans l’espace d’un champ électrique et magnétique. 

 

En 1893, le physicien allemand Wilhelm Wien établit une loi capitale : la couleur d’une étoile est déterminée par sa température de surface. En 1879, Josef Stefanétablit une autre loi qui complète la précédente : la surface d’une étoile est proportionnelle à sa luminosité absolue et inversement proportionnelle à la puissance quatrième de sa température. Enfin, le physicien hollandais Pieter Zeemandécouvre que les raies spectrales sont dédoublées en présence d’un champ magnétique : cela va permettre de mesurer le champ magnétique régnant à la surface des astres. 

 

Face à cette multitude d’informations nouvelles, le Danois Enjar Herzsprung et l’Américain Henry Russel vont établir un célèbre diagramme grâce auquel ils classent les étoiles d’une manière toute neuve et constatent que la répartition des étoiles n’est pas due au hasard. S’ouvre alors une voie nouvelle : une méthode permettant de déterminer l’évolution des étoiles, de leur naissance à leur mort et d’explorer l’espace bien au-delà de notre système solaire et de notre galaxie. 

 

C’est ainsi qu’Henrietta Leavitt va remarquer la présence de plusieurs céphéides - étoiles connues pour leurs variations d’éclat périodiques - situées dans l’un des Nuages de Magellan. Elle s’aperçoit que la période est d’autant plus longue que l’étoile est brillante. Elle formule donc une relation entre la période de variation et la luminosité apparente de ces étoiles. Cette relation sera la base d’une méthode d’évaluation des distances des amas d’étoiles et des galaxies, c’est-à-dire d’objets de plus en plus éloignés dans l’univers.

LA NAISSANCE DES ASTROPHYSICIENS : EN QUETE DE LA NATURE DES ASTRES (1840-début du XXème siècle)

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